Decoloniser la province
Michel Rocard, récemment disparu, prononce en décembre 1966, un discours dans le cadre d’une démarche ouverte par Pierre Mendès France quelques mois plus tot. Parmi les thèmes exposés, l’approfondissement de la démocratie dans la décentralisation et la régionalisation. Il scande son discours d’un slogan fort selon lequel « il faut décoloniser la province ».
Sus au centralisme. Dans son discours, Michel Rocard dénonce le fait que « la quasi- totalité des centres de recherches sont à Paris, les décisions de financement se prennent à Paris, les hommes novateurs se forment à Paris s’ils viennent de Province, et toutes les grandes entreprises françaises ont leur centre de décision à Paris ». Suite à la mise en place des circonscriptions d’action régionale par Edgar Faure, il précise que « depuis dix ans l’expérience française de décentralisation ne porte que sur les unités d’exécution ». Il la qualifie donc d’échec.
Deux niveaux d’administration. Michel Rocard se prononce en faveur d’une vraie réforme institutionnelle régionale en France. Le problème se résume donc à la nécessité de « redonner aux régions la capacité d’innovation autonome qui leur manque ». Sur l’architecture institutionnelle, le futur leader du PSU se prononce en faveur de deux niveaux que sont d’une part l’agglomération en milieu urbain et le bourg ou village en milieu rural et d’autre part la région d’autre part. En outre, « l’autorité du préfet est en fait une couverture commode pour l’apathie locale. La reconnaissance du dynamisme régional suppose la disparition de cet alibi. Il faut donc supprimer la tutelle et surtout le préfet ».
Réaction et technocratie. Le slogan « décoloniser la province » marquera fortement les esprits, en appelant une refonte complète des « gouvernements locaux qu’en fait la majorité des notables installés refuse avec fermeté ». Michel Rocard enfonce le clou, parlant de cette « étonnante complicité entre les forces politiques réactionnaires qui refusent le remodelage territorial du pays et un pouvoir central technocratique qui s’accommode fort bien de cette situation, ne cherche nullement à favoriser le dialogue démocratique avec les administrés, et se contente d’aménager ses structures administratives de décision en fonction des nouveaux besoins sans permettre une véritable participation des intéressés à la décision ».