Chirac et le local : boulimie, absence et recul
Une voix quelque peu dissonante est-elle possible, sans être jeté aux flammes de la pensée unique, suite au décès de Jacques Chirac ? Car, depuis jeudi soir, nous assistons à un déferlement médiatique. Retour en quatre dates sur le rapport de Jacques Chirac aux pouvoirs locaux.
1977. Président de deux conseils généraux en même temps. Mais oui c’est possible ! Élu président du conseil général de la Correze en 1970, son accession à la mairie de Paris en 1977 le fait aussi de facto et de jure devenir président du conseil de Paris, au titre des compétences de Paris département. Certes, on objectera que le préfet était à l’époque l’exécutif du département. Mais on imagine toutefois difficilement les membres du corps préfectoral ergoter sur l’étoile montante de la France pompidolienne, qui fut même un temps ministre de l’intérieur, et qui faisait pleuvoir les subventions étatiques sur le plateau de Millevaches et ses apanages.
1981. Zéro intervention au Parlement durant les débats sur la décentralisation. Les archives de l’Assemblée nationale sont claires et … sévères pour le futur président de la République. Un zéro pointé pour le chef de l’opposition donc, en terme du nombre d’interventions dans les débats de l’été 1981 sur les pouvoirs locaux. Surprenant ! Ce qui ne l’empêche nullement quelques semaines plus tard de tirer à boulets rouges sur la dilution de l’État dans les territoires et… d’empocher pour son parti la victoire aux élections cantonales de mars 1982.
1988. Recul des pouvoirs locaux durant la première cohabitation. Premier ministre de 1986 à 1988, la courte majorité à l’Assemblée nationale emmenée par Jacques Chirac détricote quelque peu les pouvoirs locaux. Bon, mezza vocce tout de même car les barons de droite goûtent en même temps aux joies des pouvoirs locaux… sans les préfets dans les pattes, et avec le levier fiscal à gogo en plus.
2003. La révision de la Constitution : la France, république décentralisée. Certes. Et la traduction concrète ? La victoire de la gauche aux élections régionales de 2004 se traduit par un changement de pied. Adieu régions renforcées et (re)bonjour départements… Mais puisque l’on vous dit que la décentralisation, ce n’est pas politique. Enfin !
L’engagement de Jacques Chirac en faveur de politiques publiques offensives en matière de lutte contre les handicaps est unanimement salué. C’est même devenu une compétence phare … des conseils départementaux. Mais comment vont-ils faire avec des dépenses qui augmentent de 5 à 10% par an, en se voyant retirer demain, le pouvoir fiscal, sans pouvoir augmenter leurs recettes ?