Les données du problème s’apparentent à une épreuve de feu le certificat d’études. « Je suis une commune de 200 habitants, sur un plateau ancestral (l’Aubrac) de moyenne montagne, traversée par un axe routier structurant, dans un département qui est l’un des plus grands en superficie de métropole, avec une faible densité. Mon territoire est au croisement de trois départements (Aveyron, Cantal, Lozère) et de trois régions (Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc-Roussillon). Comment puis-je proposer des actions fortes qui fassent vivre mon territoire, sans endetter ma commune ? » (cf. article sur l’Etat et le developpement des territoires.)
Il y a cinquante ans, la réponse était simple. « Dis-moi quel est ton préfet et je te dirai à combien tu as droit pour monter ton projet ». Une visite ministérielle opportunément située à quelques semaines des élections locales aurait parachevé le tout. Il y a vingt ans, on remplaçait « préfet » par « président du conseil général » pour obtenir la solution ! (cf. article de La Croix sur la Décentralisation) Et quelques années en arrière, les « fonds structurels » (européens) auraient permis de boucler le « plan de financement », avec un panneau : « ici, l’Etat, la région, le département, la communauté de communes et la commune investissement pour votre avenir, avec le concours de l’Union européenne. »
Mais aujourd’hui le constat est cruel. L’Etat est confronté à la nécessité de baisser le déficit public. Pour leur part, les collectivités locales font face à des recettes peu dynamiques et des dépenses qui continuent de croitre. Alors que l’Etat prépare la nouvelle génération des « contrats de plan » 2014-2020, personne ou presque n’est dupe dans les territoires : il n’y aura plus de moyens nouveaux dans les territoires ou peu sans faut. (cf. ) Le temps passé à la « chasse à la subvention » risque de se révéler peu productif et particulièrement chronophage Il va donc falloir faire preuve d’une forte inventivité pour lancer des actions en mobilisant les énergies et les compétences. (cf. article sur l’Etat et le developpement des Territoires.)
Le tourisme et la formation sont une solution à exploiter. Le tourisme, en raison du potentiel vert de l’Aubrac et la formation avec la notion de « formation tout au long de la vie » qui incite à une vision large. Dans un territoire rural, la formation est un atout lorsque sont présents des artisans à compétences reconnues (menuiserie, réparation automobile, ébénisterie, artistes, bouchers) et qui aiment transmettre leur savoir. Les difficultés sont inhérentes à tout projet… qui change les habitudes.
En effet, pourquoi les structures de formation installées « en bas » (c’est-à-dire dans la vallée, à plus de 80 kilomètres) iraient-elles organiser leurs formations « en haut », à plus de 1200 mètres d’altitude ? Il faut pour cela pouvoir offrir des capacités d’hébergement à la taille de la commune et, surtout, de restauration. Cette capacité d’hébergement doit permettre de pouvoir accueillir les passagers d’un car. Pour la renforcer, il faudra faire valoir aux particuliers intéressés la palette des incitations financières (aides à la création des gîtes), fiscales et foncières (jusqu’aux déductions possibles à l’impôt de solidarité sur la fortune). Une activité de conseil des activités privées et de gestion des réservations pourra voir le jour. En n’oubliant pas le rôle du conseil régional sur ses politiques classiques de formation ; et ce sans financement public supplémentaire. Il ne s’agira donc pas de se substituer aux professionnels de la formation mais d’utiliser au mieux les moyens existants.
Public et privé. Le passage au caractère opérationnel d’un projet de type « village atelier » nécessite de trouver les acteurs tant publics que privés susceptibles de jouer chacun leur rôle. Le rôle de la commune est naturel. Elle dispose du droit de préemption afin de pouvoir, au cas par cas, se déterminer sur l’intérêt à intervenir, sans obérer ses finances. En outre, il faut donc mobiliser sans réserve les financements privés. C’est ainsi que la structure de « village atelier » pourra partir avec l’imbrication successive du public (qui impulse) et du privé (qui prend le risque). Une fois que le bâti privé est là, on se préoccupe de la restauration et de la gestion des chambres pour l’accueil des groupes, qu’il s’agisse de groupes « privés » ou amenés via les formations organisées. Au final, le label « parc naturel régional » de l’Aubrac sera un formidable label amplificateur.
Jean-Luc Bœuf