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comment reussir la reforme regionale

22 mai 2014 | 0 commentaire

Ce qu’il y a de bien avec la réforme territoriale en France, c’est qu’elle est à l’ordre du jour depuis plusieurs années. En outre, les déclarations se sont multipliées ces dernières semaines au plus haut niveau de l’État. Faisons ici l’hypothèse qu’il ne s’agit pas d’une énième annonce et que la réforme des régions sera conduite à son terme et dans les délais annoncés. Laissons de côté la querelle sur le découpage proprement dit et projetons-nous, par exemple en 2018, où le nombre des régions aura été ramené à douze.

Préoccupons-nous de la façon dont l’État va procéder avec ces régions agrandies. L’exercice sera particulièrement délicat tant il est historiquement établi que les relations entre l’État et ses collectivités sont marquées du sceau de la vassalité et de la dépendance. L’État n’a jamais vu d’un bon œil la montée en puissance d’un échelon qui pouvait s’apparenter aux anciennes provinces. Lorsque des compétences ont été « octroyées » aux régions dans les années 1980, le terrain était déjà largement occupé par les mairies et les conseils généraux. Il a donc fallu créer un espace aux régions à partir des compétences de l’État. La puissance publique a toujours gardé un œil sur les compétences qu’elle transférait. Les régions construisent les lycées mais l’État nomme les enseignants ; elles conduisent des actions dans le domaine de l’économie mais l’emploi reste à l’État.

Au plan économique, les régions actuelles se caractérisent par des budgets faibles dont les actions cumulées représentent moins de 1 % du PIB ; par des exécutifs insuffisamment identifiés par les citoyens et par des élus qui abandonnent le mandat régional dès qu’il convient de respecter le cumul des mandats. Diviser par deux le nombre de régions n’augmentera pas les budgets.

Le vrai changement est à attendre de l’État qui, au-delà de perdre des prérogatives, va surtout devoir changer d’état d’esprit. Il ne pourra plus se contenter d’inviter quelques régions pour traiter des sujets de fond alors que le dispositif qu’il a prévu pour elles a déjà été décidé par les services de l’Etat dans les moindres détails.

Nos douze futures régions s’inséreront dans un ensemble européen plus resserré et plus cohérent. Cette cohérence viendra des compétences exercées. Le chemin à parcourir se situera davantage dans les esprits que dans les textes. Les actions conduites actuellement par les régions dans l’Europe des vingt-huit sont le développement économique, les transports, l’éducation et la formation au sens large. La France ne se distingue pas aujourd’hui par un quelconque retard en matière de compétences régionales mais plutôt par un enchevêtrement entre le rôle de l’État – au niveau central et en région – et celui des collectivités locales qu’il a fait émerger lentement en presque soixante ans.

Il ne sera point nécessaire de se lancer, une nouvelle fois, dans le débat entre État fédéral et État centralisé. Notre organisation administrative n’est pas comparable à l’Allemagne où les Länder, comme dans tout État fédéral, disposent d’une souveraineté qui leur est propre dans les domaines dans lesquels l’État fédéral n’intervient pas. Outre-Rhin, l’État est constitué de plusieurs entités locales qui ont une existence et une Constitution propre.

Il sera en revanche nécessaire de redonner aux régions élargies un lien avec les instances européennes. La France s’était timidement lancée dans cette voie à l’occasion des politiques structurelles conduites par l’Union européenne à la fin des années 1980. Il est temps de retrouver ce souffle.

En définitive, la réforme régionale réussira à trois conditions. En premier lieu, l’État doit cesser de considérer ses régions comme des incapables au sens juridique. Le gouvernement devra dès lors revoir son actuel projet de loi quant au pseudo-pouvoir réglementaire qu’il entend accorder aux régions. Les futures régions devront disposer d’un véritable pouvoir d’édicter des normes, dans le respect de la loi. En outre, il est indispensable que les normes adoptées par une région soient respectées par les autres collectivités – départements, communes – qui exercent leur activité dans son ressort territorial. Dans le cas contraire, on risquerait de retourner aux sempiternels débats sur « l’harmonisation », les « bonnes pratiques à partager » et les très nombreux « schémas de cohérence » qui n’ont de cohérence que le nom.

En deuxième lieu, ces douze régions devront bénéficier de pouvoirs financiers pour mener à bien leurs actions. À l’heure actuelle, la latitude financière des régions a été presque réduite à néant. On demande aux régions tout à la fois de financer des programmes de l’État par le biais des contrats de plan, de cofinancer des actions des autres collectivités et d’assumer leurs propres compétences. C’est beaucoup !

En dernier lieu, le principe de subsidiarité devra s’appliquer pleinement. C’est pourquoi l’État s’interdira de conduire des actions qui sont du ressort des régions. Il sera alors fini le temps où l’État produisait des circulaires de quatre-vingt-dix pages pour expliquer à ses représentants en région leurs instructions sur des sujets qui ne relèvent pas d’eux.

La réussite de cette réforme régionale ne préjugera en rien du redressement des finances publiques de la France. Mais elle enverra assurément un signal de simplification au quarteron de la décentralisation. Le quarteron, c’est celui qui, tour à tour et dans les territoires, est contribuable, usager, électeur et citoyen. Le quarteron, c’est chacun d’entre nous.

(article publié en pages débats dans Le Figaro du 14 mai 2014)

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