On nous avait promis en 2012 un nouvel élan décentralisateur. On se retrouve dans un entre-deux, qui ne satisfait aucun des acteurs. Projet de loi initial scindé en trois, répartitions non clarifiées entre les grands acteurs, concertations incessantes sans décision… On parle des compétences économiques ? Voilà les métropoles qui hurlent au dessaisissement. Il est évoqué un « chef de filât » régional pour le haut-débit ? Les départements montent au créneau.
Rien que pour vos yeux
À la fin des années 1990, le système s’était stabilisé avec les communautés de communes, pour les petites agglomérations (plus de 2.500 aujourd’hui), les communautés d’agglomération, pour les regroupements de taille moyenne (on en compte près de 200 aujourd’hui) et les communautés urbaines pour les plus importantes. Après passage à l’Assemblée Nationale, le paysage est passablement confus. La métropole de Lyon aura son statut particulier (2015). On envisage d’élire les conseillers communautaires – pardon une partie d’entre eux – au suffrage universel direct ? Les maires dénoncent la fin des communes. En réalité, la réforme des collectivités locales est en panne.
Meurs un autre jour.
Depuis que l’on a fusionné Paris et les départements de la petite couronne, ainsi que « les communes et intercommunalités qui le veulent » les transports en commun circulent normalement sur l’ensemble d’un réseau désormais propice aux liaisons de banlieue à banlieue, et les Franciliens trouvent des logements abordables. Si seulement cette politique fiction avait la chance de voir le jour ! En réalité, l’actuel projet de loi pour la réforme des collectivités locales est en train d’échouer sur les écueils traditionnels : travail en chambre, culte du secret, petites phrases et grandes polémiques. Car ce qu’il y a de stupéfiant dans l’actuel projet de « Grand Paris », c’est que les transports continueront à relever de la région et de son bras armé, le syndicat des transports d’Ile de France ou STIF.
Bons baisers de Paris.
On voit pourtant mal comment pourrait être menée à bien la réforme du paysage institutionnel local sans une réflexion approfondie sur la modernisation des finances locales. Plutôt que de prendre de la hauteur pour impulser une réflexion novatrice, les réformes en cours prônent l’immobilisme en refusant de prendre clairement parti pour tel ou tel niveau et tel ou tel financement optimal. Ainsi les mesures annoncées repoussent ainsi les premières réalisations concrètes à 2016-2020, c’est-à-dire, une fois de plus après les échéances électorales d’une présidentielle et d’une législative ! Les contenus actuels se résument en effet à deux choses : le recyclage de précédent rapports et l’illusion persistante de réponses cartésiennes. Il n’est aucune des propositions qui ne figure déjà dans un des rapports récents en la matière, qu’il s’agisse de retourner à la « clause générale de compétence, » de moderniser le paysage intercommunal, de clarifier les compétences des différents échelons, de créer un Grand Paris.
Depuis des années, de colloques en assemblées générales, de réformes proposées en débats parlementaires, le mot d’ordre est répété à satiété : « il faut simplifier notre millefeuille territorial ». Force est de constater qu’avec l’actuel projet de loi de « modernisation de l’action publique territoriale », ce n’est pas une intercommunalité à trois vitesses que nous allons avoir mais quasiment à huit vitesses. De quoi concurrencer les constructeurs de moteurs de Formule 1…
En résumé, en plus de la scission en trois du projet de loi relatif à la décentralisation, on aboutit à une multitude de champs ouverts sans qu’aucun ou presque ne soit stabilisé aujourd’hui. Le législateur actuel, en fonction des résultats des élections locales de 2014 et 2015, et le législateur futur seront tout à loisir de rendre le paysage encore plus complexe. Resterait une solution plus radicale, celle d’une vraie réforme d’ensemble de l’intercommunalité, articulée autour de quelques idées simples et pilotée avec une vision d’ensemble impulsée puis appliquée par le pouvoir exécutif. Demain dès l’aube…
Jean-Luc Bœuf,
8 août 2013.
PJ – Article complet de Régions Magazine – Avril 2012 : décentralisation entre commémoration et analyse