En 1893, les maires et les etrangers
Août 1893. Des émeutes anti-italiennes à Aigues-Mortes font plusieurs victimes et provoquent une poussée de fièvre xénophobe. Quasi-simultanément, est promulguée la loi dite de « protection du travail national » qui crée des registres d’immatriculation tenus par les maires pour les étrangers résidant en France. Arrêt sur image sur ce rôle dévolu aux maires vis-à-vis des étrangers sous la Troisième République. Une concordance des temps en quelque sorte alors que les maires se préparent à accueillir des migrants.
Passe-port. En France, sous le règne de Louis XIV, le roi et son administration sollicitaient pour les français se rendant à l’étranger la protection des autorités des autres nations. Il leur signait des documents appelés « passe-port », la plupart des voyages s’effectuant par mer. Avec la révolution on vit s’instaurer à partir du 1er février 1792 un passeport pour se déplacer à l’intérieur de la France, et sortir de son canton. Dans les premières années de la Troisième République, au moment où la « question de l’immigration » prend place dans le débat public et les discours politiques, les discussions se focalisent à la fois sur la question de l’intégration des étrangers (et de leurs enfants) dans la société française et sur les conditions d’entrée et du séjour des étrangers. Les maires vont être amenés à jouer un rôle de premier plan.
Déclaration. Un décret du 2 octobre 1888 astreint ainsi les étrangers résidant en France à déclarer leur présence auprès des autorités municipales. Cette mesure est réservée aux seuls hommes, en tant que chefs de famille. Elle prévoit que chaque étranger doive remplir un formulaire, fournir son état civil, sa nationalité et présenter des pièces justificatives à l’appui de ses déclarations, dans les quinze jours suivant son arrivée. Les communes employaient pour cela un « registre à souches » composé de pages divisées, par des perforations, en deux parties semblables, système permettant de détacher la moitié extérieure, appelée récépissé de déclaration, sorte de document d’identité, nominatif et portatif, remis au requérant.
Contrôle. Tout changement de domicile impliquait le renouvellement de cette procédure et les municipalités conservaient donc, théoriquement, la trace de toute inscription et de toute modification des localités d’installation. La loi du 8 août 1893 crée des registres d’immatriculation tenus par les maires pour ces populations qui doivent se faire inscrire lors de chaque séjour dans une localité, parfois tous les jours. En échange, chaque demandeur reçoit un « certificat d’immatriculation », obligatoire pour exercer un métier. La même année voit la création du service de l’identité judiciaire. De même, la centralisation des fichiers de police est entamée à la préfecture de police de Paris en 1893. Ceci va consolider l’armature de l’institution policière sur le plan national.