5 novembre 2011. Le Sénat adopte une proposition de loi socialiste qui apporte trois modifications au volet de la réforme territoriale consacré à l’intercommunalité. Tout d’abord, le délai d’achèvement du regroupement des communes est repoussé de deux ans, au 31 décembre 2013. Ensuite, les prérogatives de la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) composée des élus concernés, sont étendues. Enfin, et surtout, ce n’est plus le préfet qui dispose de la décision finale. Naturellement, pour aller au bout de la procédure, il faudra que cette proposition de loi soit approuvée par l’Assemblée Nationale. Avec ce vote, faisons le point sur le match qui semble opposer l’Etat et ses communes depuis plus de 40 ans, avec en toile de fond, la question du regroupement des plus de 36.000 communes.
1971 : le bâton. La loi du 16 juillet 1971 dite « loi Marcellin » du nom du ministre de l’Intérieur de l’époque, met le feu aux poudres, en imposant de manière autoritaire les fusions et regroupements de communes. Bien que distinguant la fusion simple de la fusion-association, dans laquelle les communes gardent un maire délégué, l’échec est patent. En effet, de 1972 à 1978, moins de 900 fusions sont opérées, concernant un peu plus de 2.000 communes. Depuis, de nombreuses « dé-fusions » ont eu lieu.
Score : 1 à 0 pour des élus locaux âprement opposés aux fusions autoritaires.
1992 : la carotte. La loi du 2 mars 1982 étant quasiment muette sur les regroupements, c’est la loi du 6 février 1992, relative à l’administration territoriale de la République, qui donne un véritable coup d’accélérateur à l’intercommunalité, en instaurant notamment les communautés de communes et en leur attribuant des dotations, notamment via la dotation globale de fonctionnement (DGF). En 1999, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement », simplifie encore les structures et prévoit des mécanismes financiers particulièrement avantageux. L’Etat paie chaque année et, pendant les années 2000, abonde sans sourciller les dotations des intercommunalités, que les élus mettent en place. On renvoie également à plus tard la cohérence de la carte intercommunale.
Score : 2 à 0 en faveur des élus locaux.
2010 : le bâton sans la carotte. Dans la loi du 16 décembre 2010, c’est le préfet qui dispose de la compétence finale pour, d’une part, harmoniser et, d’autre part, rendre leur copie sur les regroupements d’ici le 31 décembre 2011. La grogne des élus entraîne, à la veille du congrès de l’Assemblée des communautés de France, l’annonce par le Premier ministre du recul de la date d’achèvement de la carte intercommunale. Cela n’aura pas suffi ! Le préfet pourra arrêter le schéma mais uniquement en cas de blocage. La commission départementale élaborera puis adoptera dans chaque département les périmètres et les conditions du regroupement des communes.
Score : 3 à 0 pour les élus locaux.
Au final, on peut se demander comment l’Etat, qui n’a pas réussi à imposer en 1971 le regroupement des communes de façon autoritaire, alors qu’il disposait de tous les moyens financiers et qu’il assurait l’exécutif des conseils généraux, pourrait imposer en 2011 sa volonté dans les territoires, en raison de la situation des finances publiques de la Nation qui l’empêche de brandir toute nouvelle carotte. Mais est-ce si grave si l’on se place du côté du pack « contribuable-usager-électeur-citoyen » qui, lui, trouve en ses maires un point de référence incontournable, et encore plus dans nos sociétés en crise, ouvertes et désenchantées, et qui ont vu ces trente dernières années les services de l’Etat déserter les villes petites et moyennes ?