A chaque rendez-vous électoral, national ou local, les analyses sont marquées par cet affrontement droite-gauche, provoquant alors ces « poussées de fièvre hexagonale » pour reprendre l’expression de l’historien Michel Winock. La décentralisation échappe-t-elle à ce phénomène ? A la veille de l’échéance présidentielle de 2012, parcourons notre histoire depuis la Révolution, en analysant ce thème, en cinq épisodes.
Aujourd’hui, le quatrième épisode, nous conduit des débuts de la Cinquième République jusqu’à la loi du 2 mars 1982, portant « droits et libertés des communes, des départements et des régions ».
» A droite, les petits pas. Les vingt premières années de la Cinquième République sont marquées par des avancées timides sur le sujet de la décentralisation, avec notamment l’essor de l’intercommunalité : les syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) voient ainsi le jour en 1959 tandis que les communautés urbaines sont créées en 1966. En revanche, les regroupements autoritaires de communes issus de la loi de 1971 proposée par le ministre de l’intérieur Raymond Marcelin se soldent par un échec. Quant au référendum sur la régionalisation de 1969, son échec n’est bien sûr pas à rechercher dans un refus de décentralisation.
» Au centre droit, un régime libéral qui poursuit les avancées. En 1976, le rapport Guichard, père de la DATAR, prône une décentralisation élargie, sans aller toutefois jusqu’à proposer la fin de la tutelle a priori qui pèse encore sur les collectivités : le préfet peut toujours s’opposer aux décisions des maires et demeure l’exécutif du conseil général. Cependant le gouvernement de Raymond Barre fait adopter deux mesures fortes qui, aujourd’hui encore, continuent à produire leurs effets : à partir de 1979, les communes disposent d’une dotation globale de fonctionnement (DGF) pour leurs dépenses courantes et, dès 1980, les collectivités peuvent voter librement leurs taux d’impôts.
» A gauche, la « Génération 77 » et la révolution de 1982. Les élections cantonales de 1976 et, surtout, municipales, de 1977 sont marquées par une nette poussée de la gauche, plus particulièrement dans les villes. De nombreux jeunes maires sont élus. Ce sont eux qui, quelques années plus tard, mettront en ouvre les libertés locales. En 1981, c’est bien l’alternance du 10-mai qui ouvre une nouvelle ère. La volonté politique de Gaston Defferre, fort de son pragmatisme et d’une longue expérience d’élu local, permet de poser le principe de la liberté locale a priori pour les communes, les départements et les régions. La locomotive de la décentralisation est lancée et la région devient une collectivité de plein exercice. Les nombreux autres wagons des compétences transférées suivront. S’opposant fermement à la loi du 2 mars 1982, la droite remporte les élections cantonales quelques semaines plus tard, s’emparant ainsi des nouveaux exécutifs départementaux.