La décentralisation est-elle de droite ou de gauche ? 2/5- Au XIX° siècle, la décentralisation est plutôt de droite
A chaque rendez-vous électoral, national ou local, les analyses sont marquées par cet affrontement droite-gauche, provoquant alors ces « poussées de fièvre hexagonale » pour reprendre l’expression de l’historien Michel Winock. La décentralisation échappe-t-elle à ce phénomène ? A la veille de l’échéance présidentielle de 2012, parcourons notre histoire depuis la Révolution, en analysant ce thème, en cinq épisodes.
Ce deuxième épisode nous fait traverser le XIX° siècle.
» Les monarchistes et la nostalgie des provinces. Les monarchistes souhaitent renforcer le pouvoir central avant, éventuellement, de le décentraliser vers des provinces qui seraient recréées. C’est ainsi que la nostalgie des provinces de l’Ancien Régime va se teindre aux couleurs de la droite contre-révolutionnaire tout au long du XIX° siècle. Au début du XX° siècle, Maurice Barrès défendra une décentralisation seule à même de « rendre la vitalité à la Nation », alors que Charles Maurras plaidera pour une reconnaissance politique des provinces.
» Les libéraux, les républicains et leurs réflexions. Sous la Restauration et la Monarchie de juillet, le débat va être conduit par les orléanistes. Ces derniers pèseront dans l’adoption de lois en 1831 et 1833 pour les communes et les départements, esquissant une timide décentralisation. Quant aux républicains, leur mot d’ordre est simple : s’opposer et promouvoir les libertés, dont les libertés locales. Félicité de Lamennais met en avant une idée originale en 1848 en proposant à la commission chargée de préparer la nouvelle Constitution de discuter des libertés locales avant la dévolution du pouvoir central.
» Les proudhoniens et leurs revendications. La vision anarcho-libertaire de Proudhon est proche d’un certain provincialisme. En dénonçant l’absolutisme du droit collectif incarné par l’Etat moderne issu de la révolution jacobine, il plaide pour un système fédéraliste associant par un pacte des groupes souverains qui pratiquent une séparation systématique des pouvoirs. A la même époque, la complexité du rapport de la gauche à la décentralisation est qu’elle s’est conduite en opposition à certains idéaux de la Révolution. C’est d’ailleurs là une trame de fond pour analyser la décentralisation au XIX° siècle : la décentralisation s’est construite « en opposition à », et notamment en opposition au pouvoir central estimé trop fort.