Alors que les derniers poilus se sont éteints, que nous enseigne aujourd’hui la commémoration du 11 Novembre dans chacune de nos 36 000 communes ? Car si, de tout temps, les peuples ont honoré la mort de leurs soldats, l’érection des monuments aux morts prend un relief particulier en France, au sortir de la « der des der », grâce à l’action systématique des maires dans un régime affaibli par les illusions de la gloire de la victoire mais dont la République sort consolidée dans son unité nationale.
« La République au village » La loi du 25 octobre 1919, sur « la commémoration et la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre » établit le principe d’une subvention aux communes qui honorent le souvenir de leurs disparus. Un an plus tard, la loi de finances du 31 juillet 1920 fixe les barèmes et ouvre les premiers crédits. Préfets et sous-préfets, qui exercent une tutelle a priori sur les maires, se font le relais du gouvernement.
La combinaison des souscriptions privées, des subventions de l’Etat et d’un effort pris sur le budget des maires permet l’édification de ces « lieux de mémoire » vivants. Dans une France traumatisée par 52 mois de guerre, la République s’installe définitivement au village, pour reprendre l’expression de Maurice Agulhon et l’Union sacrée de 1914 trouve ici son prolongement.
« La vie et rien d’autre » Sur un terrain le plus souvent fourni par la commune, dont le « conseil municipal règle par ses délibérations les affaires », pour reprendre l’expression de la loi du 5 avril 1884, les appels aux dons par des souscriptions vont se généraliser sur le territoire. Les sommes, très variables, seront récoltées grâce à l’organisation de fêtes, de concerts, de bals, voire de quêtes de mariages à la mairie. Les artisans locaux assurent un volume important d’heures de travail et le clergé, qui a payé lui aussi un lourd tribut à la guerre, bénit le plus souvent les nouveaux monuments.
Dans le film La vie et rien d’autre, avec Sabine Azéma et Philippe Noiret, Bertrand Tavernier montre concrètement les vendeurs de monuments et les jeunes artistes qui se mettent à dessiner et imaginer des monuments aux morts. La plupart du temps, les municipalités et des comités d’érection optent pour une entreprise locale, qui se charge de l’installation des monuments.
Aujourd’hui. La commémoration du 11 Novembre dans les mairies demeure un moment fort où, aujourd’hui, de jeunes élèves vont égrener les noms de chaque disparu. Avec la disparition de la conscription, et avant de se tourner vers des projets communs, il est important de se rappeler des « grandes choses faites ensemble », expression utilisée par Ernest Renan dans son discours à la Nation française.» Dans nos sociétés ouvertes et désenchantées, ce moment d’unité nationale nous rappelle le sacrifice des plus de 1 350 000 soldats, il y a presque un siècle.