Le pouvoir réglementaire des régions : un projet de loi qui ne clarifie rien !
A l’occasion des débats sur la décentralisation, la question du « pouvoir réglementaire » des régions a surgi. Ce sujet est certes très juridique sur le fond mais il influe de façon très large sur le vie de tous les jours. Car celui qui « fait » la norme est en position de force puisqu’il fait la loi au sens littéral. Un peu comme l’abbé Siéyès sur la volonté du tiers état, interrogeons nous sur ce que peut devenir ce pouvoir réglementaire des régions dans le cadre du projet de loi présenté en avril 2014 et portant sur la « clarification de l’organisation territoriale de la République ».
Qu’est-ce que le pouvoir réglementaire ? (presque) tout. Dans la tradition administrative française, produire de la norme est essentiel. Cela permet de fixer un cadre d’intervention, de définir les conditions dans lesquelles une action est conduite. Or, il semblerait que la décentralisation soit conçue sur une ambiguïté, celle de la liberté des collectivités locales. Car en réalité les collectivités locales ne sont »libres » que dans le cadre défini par la loi.
Qu’est-il aujourd’hui ? (presque) rien. Attribuer une subvention, financer un plan de formation, recruter un agent… Par ces actes concrets, les régions prennent des décisions. Mais édictent-elles pour autant des normes ? Rien n’est moins sûr car la limite essentielle est qu’il s’agit d’une liberté strictement encadrée par l’Etat dans le cadre des compétences qu’il leur a dévolues. Aujourd’hui, les régions n’ont donc en aucune façon le pouvoir de dicter seule la norme applicable aux autres. Dans un Etat fédéral, le niveau régional a la capacité d’édicter des règles de manière autonome puisqu’il est le niveau ultime de la compétence, comme l’éducation par exemple. Il n’en est rien en France, Etat unitaire.
Que veut-il ? Devenir quelque chose. La vraie question qui se pose est moins celle d’un pouvoir réglementaire autonome que celle de savoir si cela est possible en France sans modification majeure de notre norme suprême, la Constitution. L’actuel projet de loi « clarifiant l’organisation territoriale de la République » ne clarifie rien du tout sur ce sujet ! L’article 1er prévoit en effet que « pour l’exercice de ses compétences, le conseil régional dispose d’un pouvoir réglementaire dont la loi définit l’étendue pour chaque compétence ». ce projet souffre de deux écueils majeurs : tout d’abord, il ne s’agit que d’un pouvoir réglementaire dérivé (et non autonome) ; ensuite, il renvoie à une autre loi et enfin il n’indique pas clairement ce que serait un « vrai » pouvoir réglementaire, c’est-à-dire une tutelle sur les autres collectivités locales. Et là, le moins que l’on puisse dire est que sujet est explosif vis-à-vis des quelque 37.000 communes et plus de 2.500 établissements de coopération intercommunale, même si l’on retient l’hypothèse de l’Etat de la suppression des conseils départementaux-généraux…