Le scrutin d’arrondissement
Ça s’est passé un 13 février ! C’était en 1889. Ce jour-là, la loi rétablit le scrutin uninominal pour l’élection des députés. Mise en place pour contrer le Général Boulanger, cette mesure va devenir un emblème de la Troisième République, « la vraie sinon la seule dans l’imaginaire des Français, qui se dote d’une stratégie de la mémoire », pour reprendre l’expression de l’historien Michel Winock.
Le « brave » général Boulanger. En janvier 1889, le général Boulanger est élu à Paris, avec plus de 80.000 voix d’avance sur le candidat radical. Les lois constitutionnelles de 1875 n’ont pas fixé le mode d’élection des députés. Il remporte personnellement plusieurs élections. La percée du Général Boulanger peut menacer le pouvoir républicain, obligeant ce dernier à réagir sur deux fronts, par la fin de la possibilité des candidatures multiples d’une part, et par la modification du mode de scrutin d’autre part.
La fin du scrutin de liste à deux tours… pour les députés. La loi du 13 février 1889 modifie donc les modalités de l’élection des membres de la Chambre des députés, auparavant fixées par la loi du 16 juin 1885. Le texte remplace le mode de scrutin précédemment en usage, qui était un scrutin de liste à deux tours dans le cadre du département. En fait, il rétablit le système en vigueur depuis 1875, à savoir un scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissement. Les députés sont ainsi élus à raison de un par arrondissement dans les départements, ou, à Paris et Lyon, par arrondissements municipaux. D’où le nom de scrutin d’arrondissement. Les arrondissements comptant plus de 100 000 habitants élisent un député de plus par tranche de 100 000 habitants ou par fraction de ce nombre. Pour réaliser cette élection, les arrondissements sont, le cas échéant, divisés en circonscriptions.
Le scrutin du parti radical. La réforme du mode de scrutin se traduit par une dépersonnalisation des élections, obligeant Boulanger à présenter des candidatures dans chaque circonscription. Le scrutin d’arrondissement va être assimilé à la Troisième République. Il facilite l’élection des notabilités locales. Empêchant l’émergence des partis de masse, il contribue aux succès du parti radical. Cette loi sera abrogée par la loi du 12 juillet 1919, pour un intermède de quelques années, avant de revenir au scrutin d’arrondissement dès 1927, et ce jusqu’à la fin de la Troisième République.