Le projet de loi sur le non cumul entre les fonctions parlementaires et l’exercice d’un mandat exécutif local s’inscrit dans un mouvement de fond mis en place dans les années 1980 qui a consisté à limiter le nombre de mandats exercés. On avait naguère quelques élus qui cumulaient un nombre impressionnant de mandats dans un contexte où l’État contrôlait toutes les décisions des élus a priori et où le préfet était l’exécutif du département. On aura demain un peu plus d’élus prenant librement leurs décisions sans pouvoir cumuler (trop) de mandats.
Un faible nombre d’élus concernés. L’offre politique en France s’effectue aujourd’hui à partir des quelques 550.000 conseillers municipaux, dont il est nécessaire de rappeler qu’ils exercent leur mandat sans indemnité à une écrasante majorité. Ce dont il est question concerne en réalité un peu moins de 1000 parlementaires d’un côté et une centaine de conseils généraux, un peu plus de vingt régions et moins de 1000 communes de plus de 10.000 habitants d’un autre côté. Sur le simple plan statistique, l’interdiction absolue du cumul n’aura pas pour conséquence un appauvrissement de la classe politique ! Sur le plan qualitatif, cette limitation stricte va se traduire par un nombre (un peu plus grand) d’élus puisque là où aujourd’hui, on a un député-maire, on aura bientôt un député d’une part et un maire d’autre part. Cela va rendre certainement plus complexe le traitement de certains dossiers. Mais d’un autre côté, l’exercice du mandat de maire ne doit-il pas être considéré comme devant être exercé à temps complet, à partir d’une certaine taille ?
Le cumulard n’a pas bonne presse. Les talents politiques s’exercent tout d’abord à partir de la demande formulée par le souverain ultime, c’est-à-dire le peuple lui-même ! Or ce dernier demande des élus « à temps plein ». Les enquêtes d’opinion le démontrent aisément. L’image du « cumulard » n’est pas spécialement bonne dans l’opinion. Pour pousser le raisonnement jusqu’au bout, mentionnons cependant que le peuple souverain n’est pas exempt de contradictions. L’une des plus significatives est que, si le citoyen veut un maire à temps plein, il se sent valorisé si « son » maire est également parlementaire. La limitation encore plus stricte sur le cumul des mandats va « profiter » aux adjoints, suppléants, qui sont déjà élus.
Lassitude des élus locaux. Elle provient de ce sentiment d’impuissance face aux champs de plus en plus vastes pour lesquels les élus locaux sont demandés : une entreprise en très grande difficulté ? Les maires sont là. Un incendie qui se traduit par une difficulté de relogement ? Les élus locaux répondent présents. La détresse des concitoyens dans leur permanence ? Il leur faut trouver une réponse concrète. Le sentiment d’insécurité ? Il leur est rappelé leur rôle fondamental dans ce domaine. D’où un sentiment d’incompréhension lorsqu’ils doivent s’adapter sans cesse aux nouvelles réglementations, qu’il s’agisse de la sécurité des établissements recevant du public, de la sécurité sanitaire, des normes environnementales etc… Pour autant, les échéances électorales se préparent et, pour ce qui est de la crise des vocations, à regarder les affrontements pour la désignation des têtes de listes dans les grands partis, il semblerait que cela relève, pour l’heure du moins, du mythe plutôt que de la réalité !
En allant jusqu’au bout, cette réforme entraînera davantage une réforme de la façon de faire de la politique que de la classe politique elle-même. Car dans l’inconscient collectif, subsiste encore l’idée selon laquelle il faut « monter à Paris » pour « défendre » les dossiers qui de sa ville, de sa « circonscription » électorale. Cette réforme devra être appréciée également sous le regard des conséquences de la féminisation des fonctions électives. Sans être devin, il est certain que de nombreuses femmes émergeront des prochains scrutins, rattrapant ainsi un retard multiséculaire.