Il y a quarante ans, en octobre 1976, Olivier Guichard propose, avec cinq ans d’avance, ce que sera la décentralisation de l’été 1981. Il remet en effet au président de la République d’alors, Valéry Giscard d’Estaing, le rapport de la « commission de développement des responsabilités locales », intitulé Vivre ensemble. Retour sur le contenu de ce document à une époque où les rapports sur les pouvoirs locaux étaient peu nombreux. Ils n’en avaient donc que plus de poids.
Décrisper. Le président de la République élu en 1974 souhaite « décrisper la société française ». Parmi les sujets nécessitant une nouvelle approche figure la décentralisation, qui vit pour l’essentiel au rythme d’une législation datant de 1871 pour les départements et de 1884 pour les communes. Le constat, tout d’abord, résume en termes sévères une situation que, à gauche comme à droite, tous les connaisseurs de la vie locale s’accordent à considérer comme critique. « L’État est englué dans mille tâches, » peut-on y lire. « L’administration confinée et lointaine, la démocratie en question : à côté de bien des points forts dans notre vie locale, nous sentons là des manques et des menaces graves. Or, on le voit immédiatement, elles ont une commune origine : le déséquilibre entre les responsabilités assumées par l’État et celles qui sont laissées à l’exercice d’autorités locales élues. »
Réformer (avant l’heure). Pour Olivier Guichard, qui est aussi le père de la DATAR, l’essentiel est alors d’imaginer « une autre façon de s’administrer », en forgeant les moyens de réaliser « toute la décentralisation possible », mais sans pour autant démanteler l’État. Pour atteindre cet objectif, les experts de la commission qu’il préside réfléchissent à l’exercice de pouvoirs réels en raison de l’éparpillement de communes dont près de 30.000 sur 37.000 comptent moins de 1 000 habitants. En outre, les nouveaux objectifs de participation des citoyens aux décisions sont nécessaires. Le rapport contient également des propositions novatrices en matière de libertés locales, avec la substitution du contrôle de légalité à la tutelle, une réforme des finances locales, la création de communautés de villes et l’augmentation forte du nombre de communautés urbaines.
Anticiper. Quelques semaines après la remise du rapport, le Président de la République écrit à l’ensemble des maires pour leur annoncer la tenue prochaine d’un débat national sur les réformes locales. Mais, en réalité, ce débat n’aura pas lieu. Toutefois, lles propositions du volumineux rapport Guichard serviront de base à l’élaboration des mesures de la fin du septennat, telle que le libre vote des taux, mais aussi de la préparation de la réforme conduite par Gaston Defferre à l’été 1981.