Alors que le Tour vient de se terminer sur les Champs-Elysées, l’édition 2015 est déjà quasiment prête. Mais le parcours ne sera dévoilé qu’à l’automne. Mais au fait, qu’est ce qui incite aujourd’hui une ville à se porter candidate pour accueillir la Grande Boucle ? Plaçons-nous donc du côté du maire qui présente sa candidature à l’arrivée ou au départ d’une étape. Cette demande s’inscrit dans une politique de l’image et dans une politique sportive, avec la perspective de multiples retombées. Elle se résume à trois verbes : fêter, éduquer et communiquer.
Fêter. Le choix du tracé est imposé aux maires par les organisateurs Pour être retenus, les maires doivent entreprendre de véritables actions de lobbying, avec l’aide par exemple d’anciens champions cyclistes restés proches de la société du Tour. Mais avant toute chose, l’action du maire est déterminante en terme de volontarisme et d’impulsion. Car aucune ville n’accueille le Tour contre son gré ! Bien au contraire et à un point tel que le nombre de villes candidates est six fois supérieur au nombre de villes étapes possibles ! Fête moderne de l’époque industrielle et sportive, la Grande Boucle s’inscrit dans le succès des sports de masse. Grand rite tous les ans renouvelé, le Tour ne s’enferme pas dans la bulle sportive mais compose toujours avec le public. Sinon, il eut été emporté par les affres du dopage de ce début de siècle.
Eduquer. Dès sa création, la Grande Boucle révèle le mythe d’un territoire unifié, celui de la France hexagonale. Dans l’esprit d’Henri Desgrange, le fondateur du Tour de France, cette épreuve est également l’occasion d’une régénération morale et physique de la Nation. Accueillir aujourd’hui le Tour de France permet à la ville retenue de préparer l’événement de longs mois à l’avance, avec les milieux scolaires, associatifs et sportifs : scolaires par l’éducation aux bienfaits et risque du sport ; associatifs par l’aspect festif et notamment pour les jeunes qui ne partent pas en vacances ; sportifs par les vertus de l’engagement sportif
Communiquer. Dans les premières années du Tour, les communes et l’organisateur s’accordaient par un simple échange de correspondances pour en arriver aujourd’hui à la rédaction et la signature de conventions en bonne et due forme. L’idée de faire payer une participation aux villes remonte aux années 1930, lorsque la caravane publicitaire fit son apparition, dans un souci évident d’assurer l’équilibre financier du Tour. Mais contrairement à certaines idées reçues, la part des collectivités territoriales dans le budget du Tour de France est non seulement faible (moins de 10%) mais surtout en très forte diminution, puisqu’elles ont représenté jusqu’à près du quart du budget de la société du Tour de France. Une ville s’empare donc du Tour de France pour en faire un vecteur de communication. Car accueillir le Tour de France valorise la ville. Pendant près d’un an, son nom sera sur toutes les lèvres des media locaux, nationaux, mondiaux. Si les retombées économiques sont naturellement très difficiles à calculer, l’effet d’image est très fort, sur le moment et au-delà.
Les itinéraires discontinus donnent à la Grande Boucle un caractère aujourd’hui plus nerveux. Comme les distances se sont sérieusement raccourcies, de plus de 5.500 kilomètres dans les années 1920 à moins de 3.300 kilomètres aujourd’hui, présenter sa candidature demande une stratégie de moyen terme, laquelle peut passer par le fait d’être ville-départ une première fois pour, quelques années plus tard, être retenue comme ville arrivée. Ainsi, dans nos sociétés ouvertes, désenchantées et largement désacralisées, le Tour de France demeure par sa permanence et son côté festif l’un des points d’ancrage de la République décentralisée.