Sur les chemins noirs
Un rapport gouvernemental relatif à « l’hyper-ruralité » qui se confond presque, dans sa cartographie, avec le cheminement du loup après son retour en France. Le rapprochement est audacieux ! Dans son dernier essai intitulé Sur les chemins noirs, l’écrivain Sylvain Tesson le tente, passant ainsi des grands espaces des forêts de Sibérie et de la retraite de la Grande Armée auxquels il nous avait habitués aux conceptions françaises de l’aménagement du territoire. Arrêt sur image.
La conquête du territoire. Dans ses pérégrinations, Sylvain Tesson brosse le tableau paysager de cette conquête du nouvel habitat depuis 1945 et des réalisations d’un aménagement du territoire triomphant. « L’Etat logea les enfants du baby-boom Les barres d’immeubles poussèrent à la périphérie des villes. »
L’étalement de l’urbanisme. Puis il y eut l’étalement de l’urbanisme, « une expression logique puisque le béton est liquide », avec le mitage du territoire par les maisons individuelles sur les surfaces agricoles. Un test ? Il suffit d’observer un paysage à trente ans d’intervalle, pratiquement dans chaque coin du territoire. Désormais, « le service à la personne a remplacé la vieille amitié et la vidéosurveillance garantit l’ambiance ».
L’extravagant morcellement. Sylvain Tesson convoque Fernand Braudel qui dans L’identité de la France, considère que la richesse de notre pays est de « faire voisiner sur un même territoire (sous le même drapeau) les mangeurs de pistou et les dentellières de Cambrai ». Il récuse la tentation des gouvernants actuels de « choisir, dans un langage de chef de rayon, ce qui leur convenait dans le magasin de l’Histoire » au nom du désormais fameux « droit d’inventaire ».
Pour paraphraser Clemenceau, la France est donc un bloc. Alors qu’aujourd’hui, « dans les campagnes comme au sommet de l’Etat, l’institué vacill[e]. Nul n’a prévu la suite. » Un propos à méditer en ces temps de campagne présidentielle et donc de projets pour construire notre pays de demain.