Tour de France et territoires (4)
La Grande Boucle, c’est aujourd’hui ! Poursuivons en quelques épisodes les liens de ce monument du cyclisme avec les territoires. Aujourd’hui, la quatrième étape, Paris-province.
Paris-province. Le Tour de France aura contribué à masquer le retrait progressif du monde rural en donnant l’illusion de la permanence, sans changement, de cette France des terroirs. Cette illusion sera d’autant mieux entretenue qu’avec l’augmentation de la durée des congés payés, l’été va se révéler comme la période idéale, et donc mythifiée, du « retour au pays ». Solidement ancré dans un monde de traditions fortes, le Tour sécurise une population d’origine rurale, urbanisée récemment et rapidement. D’où la focalisation demeurée vivace sur l’affrontement homérique entre Jacques Anquetil et Raymond Poulidor en 1964. Jacques Anquetil, c’est le métronome, l’homme chronomètre, perçu comme distant et emblématique de cette nouvelle France industrielle. Dans les terroirs, cette France hexagonale, sur laquelle le Tour a forgé sa légende rencontre d’autant plus de succès qu’elle renvoie à une vision protectrice du pays et de la Nation.
Topographie. La topographie du Tour de France s’est naturellement imposée à ses concepteurs, lors de la concrétisation de l’idée de Grande Boucle. La localisation de Paris tient dans ces conditions une place privilégiée : Henri Desgrange n’a pu aller à l’encontre de la suprématie parisienne. La capitale sera ville de départ et ville d’arrivée de 1903 à 1950 ; l’édition de 1926 constituant à cet égard une exception. Le Tour de France n’échappe pas à la prédominance de la capitale, durant près de cinquante ans, dans les esprits et dans les faits. Dans la perspective du modèle républicain, le Tour de France est certes l’occasion de faire connaître aux Parisiens le territoire français et ses diversités régionales, mais aussi de rappeler la prééminence de la capitale au sein de la République, « une et indivisible », la capitale tout autant porteuse de la dynamique républicaine que support d’identification nationale. Ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que les choses changent véritablement. Le premier départ de l’étranger a lieu en 1954… depuis les Pays-Bas justement, comme en 2015. A noter qu’il s’agit du pays ayant le plus de fois accueilli de départs de la Grande Boucle depuis.