Comment le Tour de France, né avec la Belle Epoque a-t-il pu s’installer mais surtout perdurer dans une France passée en un peu plus d’un siècle de la République naissante à la France décentralisée, en traversant deux guerres mondiales, et en résistant aux affres du dopage ? A l’occasion du départ de la prochaine édition de l’épreuve phare du calendrier cycliste, parcourons en quelques étapes, les liens de ce monument du cyclisme avec les territoires. Aujourd’hui, la première étape.
Rétroviseur. A la création de la Grande Boucle, la France sort à peine de l’affaire Dreyfus, dans une IIIème République marquée par de nombreuses « poussées de fièvre hexagonale ». Le régime a du mal à s’enraciner concrètement dans les « petites patries », en étant toujours meurtri par l’amputation des provinces perdues d’Alsace-Moselle en 1870-71. Les écoliers de l’école de Jules Ferry, « gratuite, laïque et obligatoire », étudient tous Le Tour de la France par deux enfants. Ce livre, publié à plus de 7 millions d’exemplaires en une génération, est devenu le véritable « petit livre rouge de la République », en entendant rendre la patrie visible et vivante. Dans ce contexte, un directeur de journal sportif fonde une épreuve qui va rencontrer, dès sa création, un très vif succès. Cette épreuve, c’est le Tour de France. Cette alliance entre les patriotes et les républicains va trouver dans le Tour de France un allié surprenant, en confortant la croyance en l’unité géographique du pays.
Echappement. Avec ce nouveau départ inédit depuis les Pays-Bas, il s’agira de la cent-deuxième édition. Cent deux et non cent douze épreuves au compteur puisque, lancé en 1903, seules les guerres mondiales n’ont pas permis à l’épreuve de se dérouler. Les scandales à répétition du dopage de la fin des années 1990, ou plus exactement les révélations sur le dopage, auraient pu se traduire par un délaissement de cette épreuve par le public. Or il n’en a rien été. La durée des retransmissions de la télévision ne régresse pas et les millions de spectateurs se pressent toujours, chaque été, sur les routes.
Terroirs. Le territoire que l’épreuve va mettre en scène progressivement est unifié et quasi-hexagonal, protégé par ses frontières naturelles, mers et montagnes. Puis la Grande Boucle s’aventure vers l’intérieur des terres et, dans ces provinces traversées, la présence des élus sur les routes du Tour est une constante de l’histoire de l’épreuve. Maires des villes étapes, présidents d’assemblées élues, et même certains présidents de la République manquent rarement l’occasion d’accueillir les coureurs sitôt la ligne d’arrivée franchie, de se mêler à la foule des spectateurs, de profiter de la présence des médias pour dire publiquement leur amour de l’épreuve.