L’ordonnance de Villers-Cotterets : acte d’autorité ou mesure de compromis ?
Août 1539. François 1er séjourne quelques semaines à Villers-Cotterets. Il va apposer son sceau à ce qui va devenir l’ordonnance de Villers-Cotterets selon laquelle « les arrêts doivent être rédigés en langage maternel français et non autrement. » Ce texte est la plus vieille disposition législative encore en vigueur dans le droit français. L’imaginaire collectif en a retenu l’obligation de rédaction en français des documents officiels. Et les langues régionales dans tout cela ? Suivez-nous dans les couloirs du temps…
Visibilité et impérialisme. Rendre visible le droit pour accroître le domaine du contrôlable. Telle est l’exigence de clarté que pose l’ordonnance dans l’un de ses principaux articles. L’ordonnance de Villers-Cotterets vise d’abord le latin judiciaire, qu’il convient de remplacer par le français. La francisation des usages linguistiques connaît une histoire heurtée… La même année paraît un dictionnaire partant du français pour aller vers le latin. Une première !
Souplesse et autorité. L’ordonnance proscrit l’usage du latin. Ce point est très clair. Mais exclut-elle les langues provinciales ? Par un délicieux syllogisme, il est permis d’en douter. En effet, le français n’est pas la langue maternelle de tous les habitants du royaume (1). Mais tous les français parlent une langue qui leur est maternelle, celle de leur province (2). Or, comme ces provinces sont françaises, chaque dialecte est un « langage maternel français (3). CQFD.
Mémoire et contresens. Dans les décennies qui suivirent, lorsque les juges ont à évoquer l’ordonnance de Villers-Cotterets, ce n’est nullement pour faire référence à un principe solennel et majestueux mais pour l’adapter avec souplesse à l’attachement de leurs justiciables des petites patries. Tout le contraire donc de la mythologie – répressive – de la Troisième République face à l’abolition des dialectes régionaux appelés vulgairement patois. Au demeurant, il convient de préciser que l’ordonnance n’a en aucun cas imposé le français comme langue aux populations du royaume ! À rebours donc de ce qui a pu être dit très récemment par les plus hautes autorités de l’Etat.
Quand il s’est agi de préparer la ratification du traité de Maastricht, chaque pays a dû déclarer sa langue officielle. La France a été contrainte de modifier sa Constitution pour préciser que « la langue de la République est le français ». Signe, s’il en était besoin, que l’ordonnance de 1539 n’était pas si claire que cela…