La décentralisation consiste à permettre, à des autorités élues, à l’intérieur d’un territoire précis, d’exercer des compétences pour conduire des politiques et réaliser des actions, grâce à des moyens financiers qu’ils maîtrisent en partie. En France, elle est un processus historique qui s’est étalé sur plusieurs siècles. Si les « communes libres » et « villes franches » ont essaimé l’histoire de France dès le Moyen-âge, c’est à partir de la révolution que la décentralisation s’est construite formellement.
Dès lors, trois ruptures essentielles vont marquer l’histoire de la décentralisation. De quoi s’agit-il en fait concrètement ?
1790 et le découpage rationnel de la France
A la fin de l’ancien Régime, dans les provinces, les pouvoirs sont superposés et juxtaposés, sans véritable cohérence d’ensemble. Si les monarques ont assis peu à peu leur autorité, c’est au prix de la multiplication de leurs représentants et envoyés. Seul l’intendant émerge véritablement. Car les circonscriptions ecclésiastiques, militaires et du pouvoir central se chevauchent. Il s’agit donc d’organiser le territoire de façon rationnelle. En 1790, la France est découpée en 83 départements, après d’âpres débats. « 80 petits roquets plutôt que 15 gros chiens-loups » proclament alors les constitutionnalistes, en référence aux provinces abolies de l’Ancien Régime. Le département va progressivement s’imposer comme une circonscription de l’État. Son rôle sera véritablement renforcé avec l’instauration des préfets en 1800.
1884 et les libertés communales
Le XIX° siècle va être marqué par les débats autour des libertés à « octroyer » aux territoires, aussi bien par le courant libéral que par les anarchistes ; avec, en arbitre, le pouvoir central, qu’il soit monarchiste, impérial ou républicain. Progressivement donc, les libertés progressent. Mais il faut attendre la loi du 5 avril 1884. Avec cette loi, le maire peut décider des actions locales à conduire dans sa commune. En indiquant que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, la III° République va voir émerger petit à petit les politiques communales, mais toujours sous le contrôle du préfet. Ce dernier peut en effet à tout moment « rapporter » les actes pris par les communes.
1982 et la fin des tutelles
A la fin des années 1970, le paysage local se présente de la façon suivante : la région est un simple « établissement public » dont les représentants sont les grands élus locaux. Le département possède bien un conseil général mais c’est le préfet qui en assure l’exécutif et ce sont ses services qui appliquent les décisions. Quant à la commune, si elle a renforcé ses domaines d’intervention, le contrôle du préfet s’exerce toujours en amont de ses décisions. La loi du 2 mars 1982 portant droits et libertés des communes, des départements et des régions, met fin aux tutelles préfectorales. De plus, le président du conseil général devient l’exécutif du département et la région va devenir une collectivité de plein exercice.
Les trois composantes fondamentales de l’action des collectivités sont donc la présence d’un territoire clairement délimité, l’exercice compétences assurées par les élus et la liberté des actes délibérés. Depuis 1982, la décentralisation s’est étendue en compétences. Il s’agit de changements de degré mais pas de la nature même de la décentralisation.
Par Jean Luc Boeuf
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