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Paris, le pouvoir central et les municipales par Jean-Luc Bœuf

27 décembre 2013 | 0 commentaire

PLM. Le mode de scrutin appliqué à Paris, avec Lyon et Marseille, n’est pas le même que celui appliqué dans les quelque 36 900 autres communes. En effet, les trois plus grandes villes de France sont découpées en « arrondissements » pour Paris et Lyon et en « secteurs » pour Marseille. Ainsi, le jour de l’élection, il est procédé à la désignation de conseillers d’arrondissements.

Les conseillers placés en haut de liste sont à la fois conseillers d’arrondissements ou de secteur (Retrouvez plus d’infos sur le sujet en recherchant les livres de Jean Luc Boeuf sur Amazon, ou bien lisez mes chroniques sur jean-luc-boeuf.net). Ce sont eux qui sont amenés à voter pour le maire lors de ce qu’il est convenu d’appeler le « troisième tour » des élections municipales, et qui intervient quelques jours après le « deuxième » tour. Le mode de scrutin instauré en 1983 instaure une désignation au scrutin proportionnel avec une prime à la liste arrivée en tête. De la sorte, chaque tête de liste présente au second tour est assurée de siéger en tant que conseiller municipal. Le jour de l’élection du maire, l’ensemble des conseillers élus dans chaque « arrondissement » (pour Paris et Lyon) ou secteur (à Marseille) se réunit et procède à l’élection de celle ou celui qui va les représenter pour les six prochaines années.

Ainsi, en raison de ce mode de scrutin, il n’est aucunement besoin d’appartenir à la liste arrivée en tête dans l’arrondissement dans lequel on se présente pour présenter sa candidature au poste de maire de l’une des trois plus grandes villes de France. De ce fait, après les élections des 23 et 30 mars 2014, Nathalie Kosciusko-Morizet et Anne Hidalgo n’ont pas besoin d’être élues maire de l’arrondissement dans lequel elles se présentent. Il leur suffit d’être élues au conseil de Paris. Et elles sont mathématiquement assurées de l’être.

« Un notre maire » et trois « je vous salue Paris ». A l’été 1982, le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, Gaston Defferre, également maire de Marseille, avait « concocté » un scrutin applicable à Paris seulement. A l’époque, le contexte est celui de la volonté du pouvoir exécutif de trouver le moyen de contourner la victoire annoncée de Jacques Chirac à Paris. Devant les cris d’orfraie de l’opposition, le pouvoir central – plutôt que de reculer –   décide d’étendre le statut particulier prévu à Paris aux trois villes en France dotées d’arrondissements, c’est-à-dire Lyon et Marseille. Le dessin de Jacques Faizant de l’époque traduit ce recul du pouvoir central : on y voit Gaston Defferre agenouillé devant Jacques Chirac et celui-ci, majestueux, lui assène les mots suivants : « comme pénitence, vous me direz un notre maire et trois je vous salue Paris ». De fait, Jacques Chirac réalisera le grand chelem en mars 1983 et en 1989, en remportant les 20 arrondissements parisiens. Pour 2014, la légitimité de chaque tête de liste dépendra du résultat de sa rivale.

Dans l’hypothèse où les deux têtes de liste sont battues, la difficulté ne viendra pas de l’opposition mais de l’intérieur de chaque camp ! En effet, un(e) maire d’arrondissement serait alors parfaitement légitime à faire remarquer, puis à agir, qu’il est difficile d’élire maire de Paris « quelqu’un » qui n’aurait pas « réussi » à arriver en tête dans son arrondissement. Ce pourrait être une victoire à la Pyrrhus pour chacune des deux candidates, obligée peut-être, sous la pression, de céder sa place.

Paris, mère des révolutions. L’élection du maire de Paris est le résultat d’une longue histoire qui n’a jamais été sans heurt. N’oublions pas que le pouvoir central s’est toujours efforcé de « traiter à part » cette ville considérée comme la mère des révolutions. Que l’on songe à 1830, 1848, 1870 et 1944, Paris a toujours été à la pointe des mouvements révolutionnaires si ce n’est insurrectionnels. Dès lors, la question est moins de chercher les points de comparaison avec les autres grandes métropoles mondiales ou européennes mais de voir comment le pouvoir central a longtemps tâtonné avant d’octroyer un statut digne de ce nom à la « ville-monde ».

Le pouvoir royal capétien en construction n’a jamais vu d’un bon œil l’émergence d’un quelconque pouvoir parisien de nature à concurrencer son influence ! Que l’on songe à Étienne Marcel, prévôt des marchands au Moyen-Âge… Le pouvoir républicain lui emboîta le pas. C’est la raison pour laquelle entre la Commune de Paris et la fin des années 1970, Paris était la seule ville de France à n’avoir pas de maire. Tant et si bien que la « grande loi municipale » du 5 avril 1884 ne s’appliquait pas à Paris. C’était le préfet de police qui régentait tout ou presque jusqu’en 1977. Mais l’initiative du Président de la république de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, de doter Paris d’un maire se retourna contre lui puisque Jacques Chirac, qui venait de démissionner de ses fonctions de Premier ministre en aout 1976, trouva dans les élections municipales parisiennes le moyen de supplanter le candidat centriste du Président et de se construire un bastion inexpugnable.

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